Quand tu défiles joyeusement le 1er mai, muguet à la main et sourire aux lèvres, tu ne te doutes peut-être pas que cette date a une origine violente, tragique et… américaine. Oui, américaine. Car la Fête du Travail, célébrée partout dans le monde le 1er mai, trouve ses racines dans une sombre affaire qui a secoué la ville de Chicago en 1886 : l’affaire de Haymarket. Allez, je t’embarque pour un petit voyage dans le temps, direction l’Amérique industrielle, les syndicats naissants, et une bombe qui a changé le monde.

Un contexte explosif : les États-Unis à la fin du XIXe siècle
À la fin du XIXe siècle, les États-Unis sont en pleine expansion industrielle. Mais ce progrès a un prix : les ouvriers, adultes comme enfants, bossent souvent 10 à 16 heures par jour, 6 jours sur 7, dans des conditions inhumaines.
Un mot d’ordre émerge : « Eight hours for work, eight hours for rest, eight hours for what we will ». L’idée d’une journée de 8 heures devient un symbole de lutte pour les travailleurs.
Le 1er mai 1886, les syndicats américains organisent une grève nationale pour revendiquer cette journée de 8 heures. Plus de 300 000 travailleurs cessent le travail dans tout le pays. À Chicago, l’un des épicentres de cette mobilisation, la tension monte rapidement…

4 mai 1886 : la nuit bascule à Haymarket Square
Le 4 mai, une manifestation pacifique est organisée sur Haymarket Square, en soutien à des grévistes tués la veille par la police. La foule est calme, le maire est même passé en début de soirée et a trouvé l’ambiance détendue.
Mais alors que la manifestation touche à sa fin, la police intervient brutalement pour disperser la foule. Et là, c’est le drame : une bombe est lancée sur les forces de l’ordre.
Bilan : 7 policiers tués (certains probablement par leurs propres tirs croisés), et au moins 4 manifestants morts. C’est le chaos total.

Le procès : une mascarade judiciaire
L’enquête qui suit est une véritable chasse aux sorcières. Huit anarchistes, tous connus pour leurs opinions radicales mais sans preuve directe de leur implication dans l’attentat, sont arrêtés. Le procès est biaisé, les jurés choisis pour leur hostilité aux accusés, les preuves absentes ou farfelues.
Verdict : 7 condamnés à mort, 1 à la prison à vie. En 1887, quatre sont pendus, un se suicide en prison (en se faisant exploser un bâton de dynamite dans la bouche, ambiance), et trois autres seront graciés quelques années plus tard.
Un fun fact pas très fun : le gouverneur de l’Illinois gracie les survivants en 1893, dénonçant un procès inéquitable. Des statues seront plus tard érigées… puis vandalisées, dynamitées et même déplacées pour éviter les attaques !

Un héritage mondial (mais pas américain)
L’indignation mondiale face à l’affaire Haymarket est immense. En 1889, le Congrès socialiste international de Paris décide que le 1er mai deviendra une journée de mobilisation ouvrière internationale, en hommage aux martyrs de Chicago. C’est la naissance de la Fête du Travail.
La plupart des pays du monde adoptent le 1er mai comme jour férié ou jour de manifestation pour les droits sociaux :
- France (à partir de 1890, et férié depuis 1947)
- Allemagne, Italie, Espagne, presque toute l’Europe
- Amérique latine, Afrique, Asie…
Mais pas les États-Unis. Pourquoi ? Parce que le souvenir de Haymarket est trop brûlant. Trop radical, trop anarchiste, trop subversif pour l’élite américaine.
En 1894, le président Grover Cleveland instaure un Labor Day le 1er lundi de septembre, pour calmer les tensions sociales tout en désamorçant l’héritage révolutionnaire du 1er mai. Et ça marche : aux USA, le 1er mai devient synonyme de… rien du tout.

Et aujourd’hui ?
À Chicago, il reste quelques plaques discrètes et une sculpture minimaliste en hommage aux martyrs de Haymarket. Mais l’événement reste méconnu du grand public américain. Pendant ce temps, dans le reste du monde, des millions de personnes défilent chaque année pour revendiquer des droits conquis dans le sang… grâce à un drame américain que les États-Unis préfèrent oublier.
Alors la prochaine fois que tu offres ton petit brin de muguet, pense à Haymarket. Et à ces ouvriers de Chicago, qui voulaient juste bosser 8 heures par jour.